Le XVIIe siècle est une époque sombre et violente. Être acteur, c’est mener une vie de “crève-la-faim”. Les artistes sont des proies faciles dans un monde sauvage : harcèlement du duc de
Vallombreuse subi par Isabelle, dont elle ne peut se défendre car il est noble et qu’elle est comédienne ; passage à tabac de Léandre par les hommes de main du marquis de Bruyères ; contrat passé sur la tête de Sigognac… Il s’agit donc de créditer la dureté et la noirceur de cet univers. Ainsi, le choix du baron de Sigognac, de famille noble, de rejoindre cette pauvre troupe de comédiens apparaît comme un gigantesque saut dans le vide. L’humour, la truculence et l’héroïsme de ces personnages explosent, comme dans un tableau de Rembrandt : la lumière des forces de vie étincelle au milieu de la noirceur. Grâce à leur langage jouissif, ces comédiens enchantent le monde qui les entoure. L’éloquence et le panache sont des remparts pour tenir à distance la violence des forces de mort.
L’intrigue principale nous parle de la renaissance du baron de Sigognac. Prisonnier de l’héritage familial, de ses codes et de ses principes, il dépérit dans son château en ruine, en passant à côté de son existence. Lorsqu’un inattendu souffle de vie, porté par une troupe de théâtre, va le réanimer. En acceptant de se déclasser pour rejoindre ces acteurs errants, il va faire renaître les forces de vies en lui. Il découvre alors son identité profonde en devenant le “capitaine Fracasse”, un “super-héros” à la fois noble et grotesque, nouveau défenseur d’une vision comique et poétique du monde.
Jean-Christophe Hembert